Le Mur des Réformateurs, érigé au début du XXe siècle à Genève, rend hommage à une vingtaine de personnages importants ayant marqué le mouvement de la Réforme. Nous nous proposons de les présenter brièvement en une série d’articles, en commençant par ceux qui y ont été ajoutés en 2001 seulement. En premier lieu, il nous a paru intéressant de consacrer ces lignes au plus ancien des précurseurs de la Réforme, Pierre Valdo, dit Valdès de Lyon.
Pierre Valdo, Valdès ou Vaudès, était un riche marchand lyonnais. En ce début de XIIe siècle, le peuple était illettré, même les nobles et les chevaliers ne savaient ni lire ni écrire. Seuls le clergé et les marchands faisaient exception, ces derniers parce que leur commerce exigeait certaines connaissances.
Valdo était donc lettré, intelligent, pieux, bienfaisant et de bonnes mœurs, honoré de tous. Il avait lu les écrits de pères de l’Eglise et constaté combien l’Eglise romaine s’était éloignée du christianisme, notamment au travers du dogme de la transsubstantiation et de l’adoration de l’hostie. Il fut alors pris d’un grand désir de connaître les Ecritures. Mais sa conscience fut vraiment réveillée un soir alors qu’il était à table avec quelques amis et que l’un d’eux tomba subitement mort. Cet événement lui fit se poser une question: était-il prêt à rencontrer Dieu, s’il mourait maintenant? Il confia sa préoccupation à son confesseur qui lui affirma que le meilleur moyen d’assurer son salut était de faire ce que Jésus avait dit au jeune homme riche: «Vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres.» C’est ce qu’il fit: il donna à sa femme et sa fille ce qui leur fallait pour vivre, paya ce qu’il devait et distribua le reste.
Le salut par grâce
Mais cela ne donna pas à Valdo la paix dans son âme. Il ne se satisfaisait pas de la doctrine du salut par les œuvres. Il avait soif de connaître la Bible qui, à cette époque, n’existait qu’en version latine. Aidé de deux prêtres, il entreprit donc de la traduire en langage courant et, ce faisant, il comprit où se trouvait le salut: dans la foi au Seigneur Jésus, mort pour nos fautes, et par sa seule grâce. Il se sentit alors poussé à annoncer la Bonne Nouvelle. Sa maison devint une florissante école et comme un hôpital public, pour héberger et nourrir les pauvres qui venaient de dehors pour être instruits. Petit à petit, il forma des disciples qui allaient deux par deux prêcher l’Evangile dans les rues et sur les places publiques, écoutés et gagnant des âmes.
Comme Valdo et les siens condamnaient les erreurs de Rome, rejetaient le purgatoire, les indulgences et le culte des saints notamment, et les pratiques de ses prêtres, le clergé leur enjoignit de cesser leur enseignement sous peine d’être excommuniés, jugés et brûlés comme hérétiques. L’archevêque de Lyon voulut même faire saisir Valdo, mais celui-ci avait tant d’amis dans cette ville qu’il put rester caché durant trois ans, enseignant, encourageant et fortifiant les fidèles.
Les pauvres de Lyon
Le pape Alexandre III excommunia Valdo et ordonna à l’archevêque de procéder avec la dernière rigueur contre lui et ses disciples. Valdo fut ainsi contraint de fuir, avec un certain nombre d’entre eux, et ils se réfugièrent dans de petites communautés chrétiennes en désaccord avec Rome. Elles étaient nombreuses, du sud de l’Italie au nord de l’Allemagne, et unies entre elles. Dans la main de Dieu, ces fugitifs, que l’on appelait «les pauvres de Lyon», furent un moyen qui permit à l’Evangile de se répandre dans toutes les contrées où ils passaient. Au Piémont, ils rejoignirent d’autres exilés que l’on appelait les Vaudois, par analogie au prédicateur lyonnais, et leur apportèrent leur Bible qui avait été soigneusement recopiée. Les persécutions exercées avec persévérance et cruauté par l’inquisition et le clergé eurent finalement raison de ces petits groupes de chrétiens disséminés et qui refusaient de se soumettre à Rome. Ces communautés désiraient pourtant rester au sein de l’Eglise romaine, mais annoncer leur foi nouvelle, ce que Rome ne pouvait bien sûr tolérer. Elles ne subsistèrent que dans les vallées du Piémont, où elles subirent les plus terribles persécutions de la part de leurs ennemis.
Quant à Pierre Valdo, il se rendit d’abord avec nombre de ses disciples dans le sud de la France, puis il dut fuir de nouveau et se rendit en Picardie, en Allemagne et enfin en Bohême, travaillant toujours à l’œuvre du Seigneur. C’est dans cette région qu’il termina paisiblement ses jours.
Ainsi, plus de trois siècles avant la proclamation des 95 thèses de Luther, naissaient, avec Pierre Valdo, les prémices de ce qui allait être la Réforme.
Auteur: René Neuenschwander
Paru dans Bible-Info , printemps 2005