Les habitués de la Nouvelle Edition de Genève 1979 auront peut-être été étonnés en constatant le changement intervenu, dans la Segond 21, dans le verset de Galates 5:12 . Jugez-en plutôt:
NEG
Puissent-ils être retranchés, ceux qui mettent le trouble parmi vous!
Segond 21
Puissent-ils se castrer, ceux qui jettent le trouble parmi vous!
La Société Biblique de Genève a-t-elle été prise d’un soudain désir de vulgarité? En fait, le verbe grec employé peut être traduit littéralement, à la voix active, «détacher en coupant». Dans ce passage, il est impossible, du point de vue de la forme grammaticale, de déterminer s’il est à la voix passive («être coupé») ou à la voix dite moyenne (qui désigne en général une action exercée au profit du sujet ou en lui-même, donc «se couper»). L’auteur de tragédie grec Euripide l’emploie pour signifier «se frapper en signe de deuil». Toutefois, les traductions de la Bible vont dans le sens de la NEG ou de la Segond 21, respectivement celui de «séparation» ou de «mutilation».
Dans le reste du Nouveau Testament, le verbe grec renvoie à des mutilations d’ordre physique, matériel (Marc 9:43 , 45 ; Jean 18:19 , 26 ; Actes 27:32 ). La version grecque de l’Ancien Testament, la Septante, ne procède pas différemment. Elle l’utilise ainsi en Deutéronome 23:2 à propos d’un eunuque ou en Juges 1:6-7 à propos de pouces coupés. En revanche, elle emploie d’autres termes, synonymes de mort, lorsqu’il s’agit de personnes retranchées du peuple.
Paul pouvait s’exprimer de façon très tranchée, voire crue, lorsqu’il s’agissait de défendre la saine doctrine. Le cas se produit en Philippiens 3:2 : il y traite les adversaires de chiens et de faux circoncis (littéralement «l’incision», un terme qui parodie le terme grec usuel pour la circoncision et renvoie à la notion de «couper en morceaux»).
Les versions Semeur et Nouvelle Bible Segond signalent que l’apôtre a peut-être ici voulu rapprocher ironiquement la circoncision de la castration pratiquée en Galatie par les prêtres de Cybèle. On peut aussi considérer qu’il a voulu jouer sur un double sens du verbe: d’après Deutéronome 23:2 , une personne aux organes mutilés ne pouvait en effet faire partie de l’assemblée d’Israël. Les deux interprétations se rejoindraient ainsi, mais les arguments développés ci-dessus nous ont incités à privilégier la notion de mutilation dans le texte biblique et à ne signaler qu’en note l’autre sens possible.
Viviane André