Martin Luther et la traduction de la Bible

Martin Luther est connu comme l’initiateur de la Réforme protestante, au 16e siècle. Il est aussi connu pour avoir traduit la Bible en allemand. Quels étaient les principes qui sous-tendaient son activité?

La traduction de la Bible et la vie de Luther

1229: Un concile réuni à Toulouse a «interdit aux laïques d’avoir les livres de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament… On détruira entièrement jusqu’aux maisons, aux plus humbles abris et même aux retraites souterraines des hommes convaincus de posséder les Ecritures.» On réserve la lecture de la Bible aux membres du clergé. Confisquer le savoir est une manière de s’approprier le pouvoir et de dicter leur conduite aux autres…

1230: Un synode réuni à Reims interdit de «traduire en français, comme on l’avait fait jusqu’alors, les livres de la Sainte Ecriture». C’est qu’au 12e siècle les traductions de portions de la Bible ont fleuri, y compris celle de Pierre Valdo. Les Vaudois sont accusé par l’évêque de Metz d’un désir immodéré de connaître les Ecritures.

1455: 1ère Bible imprimée par Gutenberg (Vulgate)

10 novembre 1483: Naissance de Martin Luther, d’un père petit exploitant dans les mines de cuivre, avec des grands-parents paysans

1505: Martin Luther achève des études de droit

Eté 1505: Martin Luther fait vœu de se faire moine lors d’un orage

1507: Martin Luther est ordonné prêtre

1515: Martin Luther écrit un commentaire sur l’épître aux Romains; il y soutient notamment que l’homme est à la fois juste et pécheur, que la foi est union au Christ, que le sacrement n’est pas efficace en soi mais tire son sens de l’adhésion du fidèle, que la justice de Dieu est passive, pas active

31 octobre 1517: 95 thèses de Martin Luther sont placardées à Wittenberg

1519: Martin Luther comprend que la justice de Dieu est celle par laquelle le juste vit du don de Dieu

3 janvier 1521: Martin Luther est excommunié

26 mai 1521: Martin Luther est mis au ban de l’Empire par l’édit de Worms. Il est «enlevé» par Frédéric de Saxe pour sa protection et mis l’abri au château de la Wartburg; il y traduit le Nouveau Testament (décembre 1521-février 1522).

Luther n’est pas le premier à traduire la Bible en allemand. Entre 1466 et 1522, 14 éditions ont paru en haut allemand et 4 en bas allemand, sans compter les éditions partielles de Psaumes et d’Evangiles.

Avant 1521, il a déjà traduit un certain nombre de passages. Son séjour à la Wartburg lui permet de se mettre au travail.

Fin 1521, il s’attelle à la tâche et, en l’espace de 11 semaines, traduit le Nouveau Testament (décembre 1521-février 1522). Son travail paraît en septembre 1522.

Mars 1522: Luther retourne à Wittenberg car il y a là-bas de l’agitation, suite à l’activité trop novatrice de Karlstadt et des enthousiastes

L’Ancien Testament demande plus de temps d’autant que, revenu à Wittenberg, Luther est accaparé par d’innombrables autres tâches. Par contre, il peut bénéficier de la collaboration d’une demi-douzaine d’hébraïsants, en particulier de l’aide de Mélanchthon. Ils constituent «un sanhédrin des meilleures personnes» qui se réunit chaque semaine pendant plusieurs heures chez Luther. Chacun s’est préparé à l’avance pour le texte à traduire en ayant aussi consulté les anciens commentaires. Le but est de «s’approcher d’une véritable compréhension du texte par tous les moyens disponibles, puis de donner à ce que l’on a compris l’expression allemande la meilleure et la plus compréhensible».

Dès 1523 paraît une première partie de la traduction de l’Ancien Testament (le Pentateuque).

En 1524 c’est le tour des livres historiques, poétiques et sapientiaux.

Entre 1530 et 1532 les livres prophétiques sont publiés séparément.

Enfin la Bible complète paraît en 1534, munie aussi des livres apocryphes traduits en partie par Mélanchthon et Justus Jonas. Elle ne comporte pas de numéros de versets (attestés pour la première fois sur une Bible latine, celle de Pagninus, en 1527).

Non seulement 12 ans se sont écoulés entre la première édition du Nouveau Testament et celle de la Bible tout entière, mais déjà un travail de révision a été entrepris (par le «sanhédrin»), qui se poursuivra durant toute la vie de Luther et au-delà jusqu’à nos jours.

Entre 1531 et 1544 ont lieu 5 réunions de révision groupant Luther et ses collaborateurs. Ainsi, la 2e édition du Nouveau Testament parue dès 1522 comporte déjà 574 corrections portant sur les fautes d’impression, mais aussi sur le style. Rien que dans la Genèse, 300 corrections seront apportées.

18 février 1546: Martin Luther meurt.

Par ses multiples qualités la traduction de Luther va, en peu de temps, supplanter toutes les versions existantes et s’imposer en Allemagne. Aujourd’hui encore, elle est bien répandue, même si les jeunes ont tendance à préférer de nouvelles traductions.

En 1892 et 1913, la Bible de Luther subit des révisions importantes pour tenir compte des découvertes de nouveaux manuscrits. Depuis lors, les révisions se poursuivent pour adapter la langue du 16e siècle à l’allemand contemporain. La dernière date de 1984.

Pourquoi traduire la Bible?

  1. Réponse basique: parce qu’elle est écrite à l’origine en hébreu et araméen (Ancien Testament) et en grec (Nouveau Testament)!
  2. Pour Martin Luther, dans le contexte de la Renaissance, se manifeste un souci de retour aux sources
  3. Luther a en outre le souci de rétablir la prééminence de l’Ecriture par rapport à l’Eglise qui enseigne et qui écoute, de libérer d’une certaine manière l’Ecriture par rapport au Magistère. Le combat réformateur et son souci du sacerdoce universel qui revalorise la place des laïcs renforcent son zèle. La nécessité s’impose de mettre la Bible aux mains du peuple.
  4. Luther a la conviction que l’Ecriture est suffisamment claire pour être comprise par chaque chrétien.

Quel texte de base pour la traduction de Luther?

La Bible complète de Luther date donc de 1534. Sur quelles bases Luther travaille-t-il?

Pour le Nouveau Testament, Luther dispose de la seconde édition (1519) de la version grecque publiée par Erasme, édition munie de notes et d’une traduction latine. La Vulgate lui est plus familière et sa connaissance du grec est moindre que celle d’humanistes tels que Mélanchthon. Pourtant sa traduction s’appuie bien sur la version grecque sans qu’il soit possible de déterminer de manière complète et précise jusqu’où va sa référence au texte original.

Pour l’Ancien Testament, Luther se base sur le texte hébreu.

Il va de soi qu’on s’est aussi demandé dans quelle mesure il connaissait et utilisait les traductions antérieures de la Bible. Les réponses des spécialistes ne convergent pas tout à fait. Mais une véritable dépendance de Luther par rapport à ces versions n’a pas pu être établie jusqu’à présent. De toute manière, personne ne conteste l’originalité ni la qualité de son travail par rapport aux traductions antérieures.

Quels principes de traduction pour Luther?

Les historiens du christianisme et de la culture s’accordent pour voir dans la traduction de la Bible par Luther l’une de ses œuvres maîtresses, la plus importante si l’on pense à l’impact qu’elle a eu jusqu’à nos jours sur la population protestante de langue allemande.

Quels étaient les principes appliqués par Luther dans sa traduction? Il s’en explique notamment dans son Epître sur l’art de traduire de 1530. D’après lui, c’est le sens d’un passage qu’il faut rendre avant tout et non pas donner la préférence à une traduction littérale. «Les mots doivent servir le sens et le suivre.»

Luther prend ainsi un certain nombre de libertés avec le texte. Privilégiant le sens du texte, il se permet de laisser tomber des mots et traduit toujours en pensant au lecteur, à ce qu’il comprendra sous les mots employés.

  • Luther introduit des modifications de vocabulaire permettant de s’adapter aux changements de la société. Ainsi, dans sa version, les disciples sont assis à table alors que, d’après le texte original, ils sont couchés.
  • A l’occasion, il opère des changements grammaticaux. Ainsi «tu es mon refuge» (Ps 91.9) devient «il est ton refuge». Dans l’ensemble du Psaume, il modifie des pronoms, de sorte que l’aspect de dialogue entre le prêtre et le fidèle disparaît.
  • D’un poids particulier est évidemment l’introduction du mot «seul» dans Romains 3.28×Romains 3.28 28 En effet, nous estimons que l’homme est déclaré juste par la foi, indépendamment des oeuvres de la loi.
    , qui devient ainsi «l’homme est justifié par la foi seule». Il s’en explique en 1530: «La pensée du texte porte ces lettres (= sola) en elle et, si l’on veut traduire clairement et efficacement ce texte en allemand, il faut les y mettre: l’usage de notre langue allemande implique que, lorsqu’on parle de deux choses dont on affirme l’une en niant l’autre, on emploie le mot solum (= seulement) à côté du mot ‘par’ ou ‘aucun’.»

Le traducteur est aussi, pour Luther, un interprète. Mais l’interprétation doit se faire à partir de l’ensemble du témoignage biblique et du contexte du passage.

Il s’agit aussi pour Luther d’épouser la démarche propre de la langue dans laquelle on veut traduire. «J’ai voulu parler l’allemand et non pas latin ni grec.» Là où l’hébreu accumule les substantifs (la tempête de la mer, Psaume 89.10×Psaumes 89.10 10 C’est toi qui maîtrises l’orgueil de la mer; quand ses vagues se soulèvent, c’est toi qui les calmes.
), Luther passe à l’adjectif (la mer troublée, das ungestüme Meer). La question clé est toujours de savoir «comment l’Allemand parlerait dans ce cas». «Celui qui veut parler allemand ne doit pas se conformer à la manière hébraïque d’ordonner les mots, mais doit veiller à comprendre le sens de ce que l’hébreu a voulu dire. Puis il doit se demander: ‘Mon cher, comment un Allemand exprime-t-il cela dans ce cas?’ S’il a trouvé les mots allemands utiles, qu’il laisse tomber les mots hébreux et exprime librement le sens dans le meilleur allemand possible… Il faut demander à la mère au foyer, aux enfants dans la rue, à l’homme au marché et leur regarder sur la bouche comment ils parlent et traduire ensuite. De cette manière, ils comprennent et remarquent que l’on parle allemand avec eux.»

Il arrive aussi à Luther d’affirmer son attachement à la lettre même d’un passage qu’il veut traduire. Il se rend compte de l’importance d’un terme dans la version originale et choisit de le conserver. «Ainsi lorsque Christ dit dans Jean 6×Jean 6.1-716 Après cela, Jésus s’en alla de l’autre côté du lac de Galilée, ou lac de Tibériade.
2 Une grande foule le suivait, parce que les gens voyaient les signes miraculeux qu’il faisait sur les malades.
3 Jésus monta sur la montagne, et là il s’assit avec ses disciples. 4 Or la Pâque, la fête juive, était proche.
5 Jésus leva les yeux et vit une grande foule venir vers lui. Il dit à Philippe: «Où achèterons-nous des pains pour que ces gens aient à manger?»
6 Il disait cela pour le mettre à l’épreuve, car lui-même savait ce qu’il allait faire. 7 Philippe lui répondit: «Les pains qu’on aurait pour 200 pièces d’argent ne suffiraient pas pour que chacun en reçoive un peu.»
8 Un de ses disciples, André, le frère de Simon Pierre, lui dit: 9 «Il y a ici un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde?» 10 Jésus dit: «Faites asseoir ces gens.» Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit. Ils s’assirent donc, au nombre d’environ 5000 hommes.
11 Jésus prit les pains, remercia Dieu et les distribua [aux disciples, qui les donnèrent] à ceux qui étaient là; il leur distribua de même des poissons, autant qu’ils en voulurent.
12 Lorsqu’ils furent rassasiés, il dit à ses disciples: «Ramassez les morceaux qui restent, afin que rien ne se perde.» 13 Ils les ramassèrent donc et ils remplirent douze paniers avec les morceaux qui restaient des cinq pains d’orge après que tous eurent mangé.
14 A la vue du signe miraculeux que Jésus avait fait, ces gens disaient: «Cet homme est vraiment le prophète qui doit venir dans le monde.»
15 Cependant Jésus, sachant qu’ils allaient venir l’enlever pour le faire roi, se retira de nouveau sur la montagne, tout seul.
16 Le soir venu, ses disciples descendirent au bord du lac.
17 Ils montèrent dans une barque pour traverser le lac et se rendre à Capernaüm. Il faisait déjà nuit et Jésus ne les avait pas encore rejoints.
18 Le vent soufflait avec violence et le lac était agité.
19 Après avoir ramé environ cinq kilomètres, ils virent Jésus qui marchait sur l’eau et s’approchait de la barque, et ils eurent peur.
20 Mais Jésus leur dit: «C’est moi, n’ayez pas peur!»
21 Ils voulurent alors le prendre dans la barque, et aussitôt celle-ci aborda à l’endroit où ils allaient.
22 Le lendemain, la foule restée de l’autre côté du lac remarqua qu’il n’y avait eu là qu’une seule barque et que Jésus n’était pas monté dedans avec ses disciples, mais que ceux-ci étaient partis seuls.
23 D’autres barques arrivèrent de Tibériade près de l’endroit où ils avaient mangé le pain après que le Seigneur eut remercié Dieu.
24 Quand les gens s’aperçurent que ni Jésus ni ses disciples n’étaient là, ils montèrent dans ces barques et allèrent à Capernaüm à la recherche de Jésus.
25 Ils le trouvèrent de l’autre côté du lac et lui dirent: «Maître, quand es-tu venu ici?»
26 Jésus leur répondit: «En vérité, en vérité, je vous le dis, vous me cherchez non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés. 27 Travaillez, non pour la nourriture périssable, mais pour celle qui subsiste pour la vie éternelle, celle que le Fils de l’homme vous donnera, car c’est lui que le Père, Dieu lui-même, a marqué de son empreinte.»
28 Ils lui dirent: «Que devons-nous faire pour accomplir les oeuvres de Dieu?»
29 Jésus leur répondit: «L’oeuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé.» 30 «Quel signe miraculeux fais-tu donc, lui dirent-ils, afin que nous le voyions et que nous croyions en toi? Que fais-tu? 31 Nos ancêtres ont mangé la manne dans le désert, comme cela est écrit: Il leur a donné le pain du ciel à manger.»
32 Jésus leur dit: «En vérité, en vérité, je vous le dis, ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain du ciel, mais c’est mon Père qui vous donne le vrai pain du ciel. 33 En effet, le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde.» 34 Ils lui dirent alors: «Seigneur, donne-nous toujours ce pain-là!»
35 Jésus leur dit: «C’est moi qui suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim et celui qui croit en moi n’aura jamais soif. 36 Mais, je vous l’ai dit, vous m’avez vu et pourtant vous ne croyez pas.
37 Tous ceux que le Père me donne viendront à moi et je ne mettrai pas dehors celui qui vient à moi.
38 En effet, je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais celle de celui qui m’a envoyé. 39 [Or, la volonté du Père qui m’a envoyé,] c’est que je ne perde aucun de tous ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite le dernier jour.
40 En effet, la volonté de mon Père, c’est que toute personne qui voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et moi, je la ressusciterai le dernier jour.»
41 Les Juifs murmuraient à son sujet parce qu’il avait dit: «Je suis le pain descendu du ciel», 42 et ils disaient: «N’est-ce pas Jésus, le fils de Joseph, celui dont nous connaissons le père et la mère? Comment donc peut-il dire: ‘Je suis descendu du ciel’?»
43 Jésus leur répondit: «Ne murmurez pas entre vous. 44 Personne ne peut venir à moi, à moins que le Père qui m’a envoyé ne l’attire, et moi, je le ressusciterai le dernier jour.
45 Il est écrit dans les prophètes: Ils seront tous enseignés de Dieu. Ainsi donc, toute personne qui a entendu le Père et s’est laissé instruire vient à moi.
46 C’est que personne n’a vu le Père, sauf celui qui vient de Dieu; lui, il a vu le Père. 47 En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit [en moi] a la vie éternelle.
48 Je suis le pain de la vie. 49 Vos ancêtres ont mangé la manne dans le désert et ils sont morts.
50 Voici comment est le pain qui descend du ciel: celui qui en mange ne mourra pas.
51 Je suis le pain vivant descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement, et le pain que je donnerai, c’est mon corps, [que je donnerai] pour la vie du monde.»
52 Là-dessus, les Juifs se mirent à discuter vivement entre eux, disant: «Comment peut-il nous donner son corps à manger?»
53 Jésus leur dit: «En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez pas le corps du Fils de l’homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous-mêmes. 54 Celui qui mange mon corps et qui boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le ressusciterai le dernier jour.
55 En effet, mon corps est vraiment une nourriture et mon sang est vraiment une boisson.
56 Celui qui mange mon corps et qui boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui.
57 Tout comme le Père qui est vivant m’a envoyé et que je vis grâce au Père, ainsi celui qui me mange vivra grâce à moi.
58 Voilà comment est le pain descendu du ciel. Il n’est pas comme [la manne que vos] ancêtres ont mangée; eux sont morts, mais celui qui mange de ce pain vivra éternellement.»
59 Jésus dit ces paroles alors qu’il enseignait dans une synagogue, à Capernaüm. 60 Après l’avoir entendu, beaucoup de ses disciples dirent: «Cette parole est dure. Qui peut l’écouter?» 61 Jésus savait en lui-même que ses disciples murmuraient à ce sujet. Il leur dit: «Cela vous scandalise?
62 Si vous voyiez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant!
63 C’est l’Esprit qui fait vivre, l’homme n’arrive à rien. Les paroles que je vous dis sont Esprit et vie,
64 mais il y en a parmi vous quelques-uns qui ne croient pas.» En effet, Jésus savait dès le début qui étaient ceux qui ne croyaient pas et qui était celui qui le trahirait.
65 Il ajouta: «Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi à moins que cela ne lui soit donné par mon Père.»
66 Dès ce moment, beaucoup de ses disciples se retirèrent et arrêtèrent de marcher avec lui.
67 Jésus dit alors aux douze: «Et vous, ne voulez-vous pas aussi vous en aller?»
68 Simon Pierre lui répondit: «Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle. 69 Et nous, nous croyons et nous savons que tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant.»
70 Jésus leur répondit: «N’est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous les douze? Et l’un de vous est un diable!»
71 Il parlait de Judas l’Iscariot, fils de Simon, car c’était lui qui allait le trahir, lui, l’un des douze.
 (Jean 6.27×Jean 6.27 27 Travaillez, non pour la nourriture périssable, mais pour celle qui subsiste pour la vie éternelle, celle que le Fils de l’homme vous donnera, car c’est lui que le Père, Dieu lui-même, a marqué de son empreinte.»
) ‘Dieu le Père a scellé celui-ci’, ç’aurait été un meilleur allemand de dire: ‘Dieu le Père a marqué celui-ci’ ou bien ‘Dieu le Père a désigné celui-ci’. Mais j’ai préféré porter atteinte à la langue allemande plutôt que de m’éloigner du mot.»

L’exemple de Matthieu 5.20×Matthieu 5.20 20 En effet, je vous le dis, si votre justice ne dépasse pas celle des spécialistes de la loi et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux.  le montre aussi. Mot à mot: «Je dis en effet à vous que si n’est pas en plus de vous la justice plus que des scribes et des pharisiens, il n’y a pas (à craindre) que vous entriez dans le royaume des cieux.»

  • Luther (1534): Denn ich sage euch: Es sei denn eure Gerechtigkeit besser denn der Schriftgelehrten und Pharisäer, so werdet ihr nicht in das Himmelreich kommen.
  • Segond 21: En effet, je vous le dis, si votre justice ne dépasse pas celle des spécialistes de la loi et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux.
  • Semeur: Je vous le dis: si vous n’obéissez pas à la Loi mieux que les spécialistes de la Loi et les pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux.
  • Français courant: Je vous l’affirme: si vous n’êtes pas plus fidèles à la volonté de Dieu que les maîtres de la loi et les Pharisiens, vous ne pourrez pas entrer dans le Royaume des cieux.

Luther a une conception de la justice comme étant passive: c’est la justice que Dieu donne au croyant. Il aurait donc de la peine à traduire comme la Semeur ou la Français courant, qui insistent sur la justice active, sur ce que fait le croyant. La Segond 21 reste proche du grec et permet les deux interprétations.

Ainsi, «tantôt nous conservons la lettre sans broncher, tantôt nous rendons seulement le sens». Traduire, c’est rechercher l’expression la plus adéquate. Il faut choisir entre plusieurs synonymes le meilleur terme. «Il nous est souvent arrivé de chercher et de nous interroger pendant quinze jours ou trois, quatre semaines au sujet d’un mot unique, sans pourtant le trouver à ce moment-là.»

Quel impact pour la traduction de Luther?

La Bible de Luther a été un grand succès d’édition.

  • L’édition du Nouveau Testament de 1522 illustrée, qui s’élevait probablement à 3000 exemplaires, a été épuisée en quelques semaines, bien que le prix soit d’au moins le salaire d’une semaine d’un artisan.
  • Sur 455 pamphlets de la période de 1523-1525 qu’on a pu étudier, 287 citaient la Bible selon la version de Luther.
  • L’imprimeur Hans Lufft a vendu, en 50 ans, 100’000 exemplaires de la Bible entière, alors qu’en 1534 elle coûtait le salaire de 3 semaines d’un maître-maçon.
  • Jusqu’à la mort de Luther, plus de 430 éditions de la Bible traduite par lui ou d’extraits de cette Bible ont vu le jour.
  • On a calculé qu’en 1535 un Allemand sur 70 était en possession d’un Nouveau Testament.

Il y a un siècle encore l’opinion prévalait que Luther avait été le créateur de l’allemand moderne. On aimait citer le jugement de Herder selon lequel «Luther avait réveillé et libéré la langue allemande moderne, ce géant endormi».

Les avis sont aujourd’hui plus nuancés, voire divergents. Les spécialistes font observer que les origines de l’allemand moderne remontent au 14e siècle et que son histoire s’est étendue sur plusieurs siècles. Avant Luther déjà, le vocabulaire allemand du nord et de l’est avait commencé à s’imposer aux dépens de celui de l’Allemagne du sud-ouest.

Pourtant, le rôle de Luther a été considérable. Il a contribué de manière décisive à la percée de la langue qui était parlée en Allemagne centrale, dans le processus d’unification qui allait aboutir à l’allemand moderne. On sait que lui-même employait l’allemand dit de Meissen, qui était aussi utilisé dans les chancelleries de la Saxe supérieure et de la Thuringe. Or, l’impact de ses écrits de langue allemande, en particulier de sa traduction de la Bible, a été considérable, surtout dans l’Allemagne protestante.

En 1520, 90% des écrits imprimés étaient encore en latin, pour s’élever à 70% vers 1570. L’évolution a été hâtée par l’action de Luther. Son influence a évidemment été favorisée par l’imprimerie. Son rôle unificateur correspondait d’ailleurs aux préoccupations des imprimeurs désireux de répandre leur produits dans l’ensemble de l’Allemagne. Les vœux des chancelleries allaient dans le même sens: elles aussi souhaitaient pouvoir utiliser une langue allemande uniforme.

Luther a fait avancer, sans l’achever, le processus d’unification. Ses dons linguistiques et sa volonté d’être à l’écoute du peuple ont conduit vers une langue qui convenait aussi bien au peuple qu’aux juristes et aux lettrés.

Luther a créé, surtout dans sa traduction de la Bible, un certain nombre de mots: Sündenbock (bouc émissaire), gottgefällig (agréable à Dieu), Kleingläubig (de peu de foi).

Ses choix entre plusieurs mots ont été décisifs: fett préféré à feist pour le mot grasbange plutôt que zage pour craintifGrenze plutôt que Mark pour limite, sans réussir pourtant à imposer tous ses choix aux siècles ultérieurs. Le mot freudig sera ainsi remplacé par entschlossen pour décidé.

Si la Réforme a fait progresser dans les territoires protestants le processus d’unification linguistique, elle a aussi agrandi le fossé entre les espaces linguistiques protestants et catholiques. En effet, dans les territoires demeurés catholiques, le latin allait conserver plus longuement sa position dominante.

Sources principales: Marc Lienhard (Martin Luther, Labor et Fides) et Alfred Kuen (Une Bible et tant de versions, Emmaüs)