On considère généralement Martin Luther comme le “père” de la Réforme, pourtant, le mouvement avait eu des précurseurs: Valdès, Wycliff, Hus, notamment, que nous avons présentés précédemment dans ces colonnes. Luther n’avait pas rencontré Christ avant que, à l’âge de 25 ans, ses yeux s’arrêtent presque par hasard sur le verset 17 de Romains 1 : “Le juste vivra par la foi.”
Bien que né dans une famille de mineurs, à Eisleben, en Saxe, Luther étudia le droit et c’est à vingt ans, à la bibliothèque de l’université d’Erfurt, qu’il découvrit pour la première fois une Bible. Son doctorat obtenu, il résolut brusquement d’abandonner la carrière juridique et entra au couvent des Augustins, contre la volonté de son père.
Il était tourmenté par le sentiment de ses péchés et espérait trouver au couvent la paix de l’âme et une vie sainte. Mais au lieu de moeurs pures, il eut sous les yeux le spectacle de désordres de toute espèce.
Il était convaincu que les mortifications qu’il s’infligeait volontairement constitueraient un grand mérite aux yeux de Dieu. Il pensait en effet devoir mériter son salut par ses bonnes œuvres et la discipline de l’ordre. Il fit plus tard cet aveu: “Je ne croyais pas en Christ, je le craignais comme un juge sombre et terrible.”
Ce sont deux Augustins qui lui ouvrirent les yeux sur la Rédemption par l’œuvre de Christ à la Croix. Dès lors, l’enseignement qu’il dispensait à l’université fut transformé, il reposait sur la Bible seule. Il rendit ainsi à la Vérité la place dont l’église romaine l’avait privée.
Ce que Luther vit lors d’un séjour à Rome, où il avait été envoyé pour régler un différend entre les Augustins et le Saint- Siège, le convainquit qu’une réforme complète de l’église était indispensable. Il ne pouvait notamment que s’opposer de toutes ses forces à la vente des indulgences qui se pratiquait alors en Allemagne.
Après avoir prêché contre ce commerce, il afficha à la porte de la cathédrale de Wittenberg ses 95 thèses qui résumaient l’enseignement de la Bible et condamnaient l’odieux trafic. Elles se propagèrent rapidement. Au bout de quinze jours, toute l’Allemagne les connaissait, après un mois, on les lisait dans toute la chrétienté, grâce aux nombreux pèlerins venus en ville, et elles provoquèrent une grande agitation.
Mais si Luther était d’un tempérament fonceur, aux périodes d’euphorie succédaient des moments de profond découragement. Ainsi, il tremblait à la pensée d’avoir contre lui toute l’église à laquelle il se rattachait encore. C’est alors que le Seigneur plaça à ses côtés un collaborateur de valeur, Philippe Melanchthon. Contrairement à Luther, il était doux et paisible, mais jouissait pourtant d’une grande autorité.
A Rome, le pape Léon X s’inquiétait des remous provoqués par Luther et lui ordonna de se présenter devant lui. Obéir était courir à la mort, mais son puissant protecteur, l’électeur Frédéric de Saxe, obtint qu’il soit jugé en Allemagne. Le procès, à Augsbourg, porta essentiellement sur l’affirmation que “seule la foi sauve”, propagée par Luther. Ce dernier refusa de rétracter ses propos, à moins qu’on lui démontre par la Bible qu’il avait tort. Menacé, Luther s’enfuit à Wittenberg. Provoqué par le docteur Eck, autrefois son ami, il se rendit à Leipzig pour l’affronter dans un débat public où il le confondit, proclamant notamment que, à la lumière des Ecritures, le pape usurpait le titre de vicaire de Christ.
La guerre au Saint-Siège était déclarée et, en août 1520, Luther lança son célèbre “Appel à Sa Majesté Impériale et à la Noblesse chrétienne de l’empire allemand concernant la Réforme de la Chrétienté.” Il publia encore de nombreux ouvrages qui se répandirent dans toute l’Europe. Sous la pression de Eck, mortifié par l’influence grandissante de Luther, le pape accepta de le condamner. Un émissaire fut envoyé auprès de l’électeur de Saxe afin qu’il fasse exécuter la sentence d’excommunication: brûler les écrits de Luther et lui infliger le châtiment qu’il méritait. Erasme, consulté, proposa que la question soit soumise à des juges impartiaux.
Pendant ce temps, l’empereur Maximilien venait de mourir, et les électeurs appelèrent Charles Quint à la tête de l’Allemagne. Le jeune souverain, catholique convaincu, était aussi épris de justice. Il convoqua Luther à paraître devant lui et la Haute Assemblée, muni d’un sauf-conduit. Le réformateur obtempéra. Durant tout le procès, il refusa de renier ses écrits et ses convictions, se défendant au nom de la Parole de Dieu et soutenu puissamment par le Seigneur. Autorisé à rentrer à Wittenberg, il fut enlevé en chemin par cinq cavaliers qui le conduisirent à la Wartburg. L’électeur de Saxe, qui avait eu connaissance d’un complot pour assassiner Luther, l’avait ainsi mis en sécurité dans son château. Durant son repos forcé, Luther entreprit de traduire le Nouveau Testament en allemand, puis la Bible entière, qui furent très largement diffusés.
Pendant ce temps, sous l’impulsion de Thomas Munzer, qui se prétendait prophète, des illuminés se mirent à saccager les églises et les couvents. Sortant de sa cachette, Luther parvint à rétablir l’ordre. Il avait alors 39 ans, la fougue de la jeunesse s’était calmée et trois ans plus tard, il épousa Catherine de Bora. Il publia aussi énormément, 313 ouvrages en deux ans. S’il réorganisa le culte, il n’avait pourtant pas abandonné certaines idées contractées dès son enfance, se contentant de supprimer les plus grossières pratiques du catholicisme.
Des troubles en Allemagne , puis dans toute l’Europe , occupèrent les souverains, ce qui laissa un répit à Luther, qui publia son Exhortation à la paix. Accusé de prendre le parti des insurgés, il fut condamné par la deuxième diète de Spire qui prétendit contraindre les partisans de la Réforme à exécuter l’édit d’excommunication. Ceux-ci protestèrent énergiquement et, pour la première fois, on les nomma «protestants».
Charles Quint, qui n’avait pu se rendre à Spire, fut irrité et convoqua une nouvelle diète à Augsbourg. Craignant pour sa vie, Luther se fit représenter par Melanchthon. Moins intransigeant que son maître, celui-ci fit quelques concessions, au grand mécontentement de Luther. Les princes protestants tinrent ferme dans leurs convictions, mais eurent une attitude agressive et une guerre civile en résulta. Ulcéré, Luther se retira peu à peu de la vie active, se contentant de consolider par ses écrits l’édifice qu’il avait construit.
Affaibli, usé par le travail, ce fidèle serviteur s’endormit dans le Seigneur le 19 février 1546, mais son oeuvre se poursuivit, notamment avec Melanchthon.
Auteur: René Neuenschwander
Paru dans Bible-Info , hiver 2005