Lire Job 6.1-7.21
Intervention n° 2 de Job
6 Job prit la parole et dit:
2 «Si seulement il était possible de peser mon exaspération, si seulement on plaçait tous mes malheurs ensemble sur une balance!
3 Ils seraient plus lourds que le sable de la mer: voilà pourquoi mes paroles dépassent la mesure.
4 Oui, les flèches du Tout-Puissant m’ont transpercé et mon esprit en suce le venin; les terreurs de Dieu se rangent en ordre de bataille contre moi.
5 »L’âne sauvage se met-il à braire quand il est près de l’herbe? Le boeuf se met-il à mugir quand il est près de son fourrage?
6 Mange-t-on ce qui est fade, sans sel? Y a-t-il de la saveur dans le blanc d’un oeuf?
7 Ce que je voudrais ne pas toucher, c’est justement ma nourriture, si dégoûtante soit-elle!
8 Si seulement mon voeu pouvait se réaliser! Si seulement Dieu pouvait m’accorder ce que j’attends!
9 »Que Dieu consente donc à m’écraser, qu’il libère sa main et m’achève!
10 Il me restera au moins une consolation, une joie, malgré la douleur dont il m’accable: c’est que jamais je n’ai négligé les paroles du Saint.
11 »Aurai-je encore la force d’espérer? Quelle sera ma fin, pour que je veuille persister à vivre?
12 Ma force serait-elle aussi résistante que la pierre? Mon corps serait-il en bronze?
13 N’est-il pas vrai que je suis dépourvu de ressources, que le succès a été chassé loin de moi?
14 » Celui qui souffre a droit à la bienveillance de son ami, même s’il abandonne la crainte du Tout-Puissant.
15 Mes frères m’ont trompé comme le fait un torrent, comme les cours d’eau qui disparaissent.
16 La fonte des glaces assombrit leur eau, la neige s’y dissimule.
17 Mais à la saison chaude, ils arrêtent de couler; sous l’effet de la chaleur, leur lit devient tout sec.
18 Les caravanes quittent leur chemin, s’enfoncent dans le désert et disparaissent.
19 Les caravanes de Théma les cherchent du regard, les voyageurs de Séba sont pleins d’espoir,
20 mais ils se retrouvent tout honteux d’avoir eu confiance, ils sont tout désappointés quand ils y arrivent.
21 »De fait, maintenant, vous n’êtes pas vraiment présents pour moi. Vous voyez mon angoisse et vous en êtes tout effrayés!
22 Vous ai-je demandé de me donner quelque chose, de tirer pour moi un cadeau de vos ressources,
23 de me délivrer d’un adversaire ou de me libérer d’hommes violents?
24 »Enseignez-moi et je me tairai. Faites-moi comprendre quelle est mon erreur!
25 Quelle force auraient des paroles à propos! Mais que prouvent vos critiques?
26 Voulez-vous donc corriger ce que j’ai dit, vous débarrasser des discours d’un désespéré?
27 Vous seriez même capables de tirer au sort pour un orphelin, de faire du commerce sur le dos de votre ami.
28 »Et maintenant, je vous en prie, regardez-moi! Vous mentirais-je en face?
29 Revenez donc, je vous en prie, ne soyez pas injustes! Revenez et reconnaissez-le, ma justice est intacte dans cette affaire.
30 Y a-t-il de l’injustice sur ma langue et ma bouche ne discerne-t-elle pas le mal?
7 »Le sort de l’homme sur la terre n’est-il pas celui d’un soldat, et sa vie n’est-elle pas celle d’un ouvrier?
2 L’esclave aspire à jouir de l’ombre et l’ouvrier attend son salaire.
3 De même, j’ai hérité de mois de douleur, on m’a attribué des nuits de souffrance.
4 Je me couche en disant: ‘Quand pourrai-je me lever?’ Le soir se prolonge et je suis rassasié d’insomnies jusqu’au lever du jour.
5 Mon corps se couvre de vers et d’une croûte terreuse, ma peau s’est crevassée et se décompose.
6 Plus rapides que la navette d’un tisserand, mes jours s’évanouissent: plus d’espérance!
7 »Mon Dieu, souviens-toi que ma vie est un simple souffle! Mes yeux ne reverront pas le bonheur.
8 L’oeil qui me regarde ne me verra plus. Ton oeil me cherchera, et je ne serai plus là.
9 Pareil à un nuage qui se dissipe et s’en va, celui qui descend au séjour des morts n’en remontera pas.
10 Il ne reviendra plus chez lui et son domicile ne le connaîtra plus.
11 C’est pourquoi je ne me retiendrai pas. Je parlerai, dans la détresse de mon esprit; je me plaindrai, dans l’amertume de mon âme.
12 »Suis-je une mer ou un monstre marin, pour que tu places des gardes autour de moi?
13 Quand je me dis: ‘Mon divan me soulagera, mon lit calmera mes douleurs’,
14 tu m’effraies par des rêves, tu m’assailles de visions.
15 Je voudrais être étranglé, je voudrais mourir plutôt que d’être réduit à l’état de squelette!
16 Je suis dégoûté! Je n’en ai plus pour longtemps. Laisse-moi, car ma vie est sans consistance.
17 »Qu’est-ce que l’homme, pour que tu fasses tant de cas de lui, pour que tu lui portes tant d’attention,
18 pour que tu le visites tous les matins, pour que tu le mettes à l’épreuve à chaque instant?
19 Quand cesseras-tu de me fixer du regard? Quand me laisseras-tu le temps d’avaler ma salive?
20 Si j’ai péché, qu’ai-je pu te faire, gardien des hommes? Pourquoi m’as-tu pris pour cible? Pourquoi te serais-je à charge?
21 Pourquoi ne pardonnes-tu pas ma transgression et n’oublies-tu pas ma faute? En effet, je vais bientôt me coucher dans la poussière. Tu auras beau me chercher de bon matin, je ne serai plus là!»