Lire Job 27.1-31.40
Conclusion de Job
27 Job poursuivit son développement. Il dit:
2 «Le Dieu qui me refuse justice est vivant! Le Tout-Puissant qui me remplit d’amertume est vivant!
3 Aussi longtemps que je respirerai, que le souffle de Dieu passera dans mes narines,
4 mes lèvres ne diront aucune injustice, ma langue ne prononcera rien de faux.
5 Je ne risque pas de vous donner raison. Jusqu’à mon dernier soupir je défendrai mon intégrité.
6 Je suis agrippé à ma justice et je ne la lâcherai pas. Mon coeur ne me fait de reproche sur aucun jour de ma vie.
7 »Que ce soit mon ennemi qui soit traité en méchant, et celui qui se dresse contre moi en homme injuste!
8 Quelle espérance reste-t-il à l’impie quand Dieu coupe, quand il arrache le fil de sa vie?
9 Dieu écoute-t-il ses cris quand l’angoisse vient l’assaillir?
10 Fera-t-il du Tout-Puissant ses délices? Fera-t-il en toute circonstance appel à Dieu?
11 »Je vais vous enseigner la manière dont Dieu agit, je ne vais pas vous cacher les projets du Tout-Puissant.
12 Vous en avez tous eu un aperçu. Pourquoi donc ces discours sans consistance?
13 Voici la part que Dieu réserve au méchant, l’héritage que l’homme violent reçoit du Tout-Puissant:
14 s’il a de nombreux fils, ce sera pour l’épée, et ses rejetons manqueront de pain;
15 les survivants seront ensevelis par la mort sans que leurs veuves ne les pleurent.
16 Il aura beau amasser l’argent comme la poussière, accumuler des vêtements comme de la boue,
17 il les accumulera mais c’est le juste qui les enfilera, c’est l’innocent qui jouira de son argent.
18 Il s’est construit une maison, mais elle est aussi fragile que celle de la teigne, pareille à la cabane que se fait un gardien.
19 Il se couchera riche, mais ce n’est pas ainsi qu’il sera enseveli: il ouvre les yeux et tout a disparu.
20 Les terreurs le surprennent comme de l’eau, une tempête l’emporte en pleine nuit;
21 le vent d’est le soulève et il s’en va, il est violemment arraché de l’endroit qu’il occupait.
22 On lance sans pitié des flèches contre lui. Il cherche à fuir la main qui veut l’abattre.
23 On applaudit à sa chute et, de l’endroit même qu’il occupait, on siffle contre lui.
28 »L’argent sort de quelque part et il existe un endroit pour affiner l’or;
2 le fer est tiré de la poussière et on coule le bronze à partir d’une pierre.
3 L’homme met fin aux ténèbres; il explore jusqu’à l’extrême limite les pierres cachées dans l’obscurité et dans l’ombre de la mort.
4 Il creuse un puits loin des endroits habités, là où les pieds ne sont d’aucune aide. Il est suspendu, balancé, loin des humains.
5 La terre qui fournit le pain est profondément bouleversée, comme par un feu.
6 Ses pierres contiennent du saphir et l’on y trouve de la poussière d’or.
7 L’oiseau de proie n’en connaît pas le sentier, l’oeil du faucon ne peut l’apercevoir;
8 les plus fiers animaux n’y ont jamais marché, le lion n’y est jamais passé.
9 L’homme porte sa main sur la roche, il bouleverse les montagnes depuis la racine,
10 il ouvre des galeries dans les rochers, et son oeil peut contempler tout ce qu’il y a de précieux.
11 Il arrête l’écoulement de l’eau et il amène à la lumière ce qui est caché.
12 »Mais la sagesse, où peut-on la trouver? Où est l’emplacement de l’intelligence?
13 L’homme ne connaît pas sa valeur. Elle ne se trouve pas sur la terre des vivants.
14 L’abîme dit: ‘Elle n’est pas en moi’ et la mer dit: ‘Elle n’est pas avec moi.’
15 Elle n’est pas donnée en échange d’or pur, on ne l’achète pas avec de l’argent.
16 L’or d’Ophir ne fait pas le poids contre elle, ni le précieux onyx ou le saphir.
17 On ne peut la comparer ni à l’or ni au verre, on ne peut l’échanger contre un vase en or fin.
18 Oubliés, le corail et le cristal! Posséder la sagesse, c’est avoir plus que des perles.
19 La topaze d’Ethiopie ne peut être comparée à elle et l’or pur ne fait pas le poids contre elle.
20 »D’où vient donc la sagesse? Où est l’emplacement de l’intelligence?
21 Elle est cachée aux yeux de tout être vivant, elle est cachée aux oiseaux.
22 Le gouffre de perdition et la mort disent: ‘Nous en avons entendu parler.’
23 C’est Dieu qui sait comment parvenir jusqu’à elle, c’est lui qui connaît son emplacement,
24 car il voit jusqu’aux extrémités de la terre, il aperçoit tout sous le ciel.
25 »Quand il a déterminé le poids du vent et fixé la mesure de l’eau,
26 quand il a donné des règles à la pluie et tracé un chemin pour l’éclair et le tonnerre,
27 c’est alors que Dieu a vu la sagesse et l’a mise en évidence; il en a posé les fondations et l’a examinée.
28 Puis il a dit à l’homme: ‘La crainte du Seigneur, voilà en quoi consiste la sagesse. S’éloigner du mal, voilà en quoi consiste l’intelligence.’»
29 Job poursuivit son développement:
2 «Si seulement je pouvais revivre les mois passés, les jours où Dieu me gardait,
3 où sa lampe brillait sur ma tête et où sa lumière me guidait dans les ténèbres!
4 J’atteignais alors mon plein épanouissement. Dieu veillait en ami sur ma tente,
5 le Tout-Puissant était encore avec moi et mes enfants m’entouraient.
6 Mes pieds baignaient dans la crème et un rocher déversait près de moi des torrents d’huile!
7 »Quand je sortais pour aller à la porte de la ville et me faisais préparer un siège sur la place,
8 les jeunes gens se retiraient à mon approche, les vieillards se levaient et restaient debout.
9 Les chefs arrêtaient leurs discours et mettaient la main sur leur bouche,
10 la voix des princes s’estompait et leur langue restait attachée à leur palais.
11 L’oreille qui m’entendait me disait heureux, l’oeil qui me voyait me rendait un témoignage favorable.
12 »C’est que je délivrais le malheureux qui appelait à l’aide et l’orphelin que personne ne secourait.
13 Le mourant me bénissait, je remplissais de joie le coeur de la veuve.
14 Je me revêtais de la justice, elle était pour moi un habit. Mon manteau et mon turban, c’était mon respect du droit.
15 J’étais les yeux de l’aveugle et les pieds du boiteux.
16 J’étais un père pour les pauvres, j’examinais la cause d’un inconnu.
17 Je brisais les mâchoires de l’homme injuste et j’arrachais la proie de ses dents.
18 »Je me disais alors: ‘Je mourrai dans mon foyer. J’aurai des jours aussi abondants que le sable.
19 L’eau pourra pénétrer dans mes racines, la rosée passera la nuit sur mes branches,
20 ma gloire sera sans cesse nouvelle et mon arc reprendra des forces dans ma main.’
21 »On m’écoutait, plein d’attente, on gardait le silence pour entendre mes conseils.
22 Après mes discours, personne ne répliquait, et mes propos étaient aussi bienfaisants que la rosée pour eux.
23 Ils comptaient sur moi comme sur la pluie, ils buvaient mes paroles comme les dernières pluies.
24 Je leur souriais et ils n’osaient pas y croire. Rien ne pouvait altérer le rayonnement de mon visage.
25 Je choisissais le chemin à suivre pour eux et je m’asseyais à leur tête. Je restais là comme un roi au milieu de sa troupe, comme un consolateur auprès des personnes endeuillées.
30 »Et maintenant, je suis un objet de moquerie pour de plus jeunes que moi, pour ceux dont je méprisais trop les pères pour les mettre parmi les chiens de mon troupeau.
2 »Mais à quoi me servirait la force de leurs mains? Ils n’ont pas la moindre vigueur.
3 Desséchés par la privation et la faim, ils rongent les endroits arides, depuis longtemps dévastés et déserts.
4 Ils arrachent des herbes sauvages à côté des buissons et se nourrissent de la racine des genêts.
5 On les chasse du milieu des hommes, on crie après eux comme après un voleur.
6 Ils habitent dans d’affreux ravins, dans les grottes de la terre et dans les rochers,
7 ils hurlent au milieu des buissons, ils s’entassent près des broussailles.
8 »Espèces de fous sans identité, on les chassait du pays,
9 et maintenant je suis l’objet de leurs chansons, me voilà devenu le thème de leurs discussions.
10 Ils ont horreur de moi et se tiennent loin de moi, ils ne se retiennent pas de me cracher au visage.
11 Puisque Dieu m’a privé de ressources et m’a humilié, plus rien ne les arrête.
12 »Ces misérables se lèvent à ma droite et me tendent des croche-pieds. Ils se construisent des chemins jusqu’à moi, mais c’est pour ma ruine.
13 Ils me coupent toute issue et travaillent à ma perte, eux à qui personne ne viendrait en aide.
14 Ils affluent comme par une large brèche, ils se précipitent au milieu des décombres.
15 Des terreurs m’assaillent. Ma dignité est emportée comme par le vent, ma prospérité s’en va comme un nuage.
16 »Et maintenant, je me liquéfie de l’intérieur. Les jours de souffrance se sont emparés de moi.
17 La nuit me transperce les os, les douleurs qui me rongent ne s’accordent aucun repos.
18 La force du mal est telle que mon habit perd toute forme, il me serre comme le col de ma tunique.
19 Dieu m’a jeté dans la boue et je ressemble à la poussière et à la cendre.
20 »Je t’appelle au secours, mais tu ne me réponds pas. Je me tiens debout, mais tu te bornes à me regarder.
21 Tu t’es changé en ennemi cruel contre moi, tu me combats avec toute la force de ta main.
22 Tu me soulèves et me fais voler au-dessus du vent, tu me dissous au plus profond de moi-même.
23 En effet, je le sais, c’est à la mort que tu me conduis, au rendez-vous de tous les êtres vivants.
24 »Cependant, celui qui va sombrer ne tend-il pas les mains? Celui qui est dans le malheur n’appelle-t-il pas au secours?
25 N’avais-je pas des larmes pour celui qui rencontrait des difficultés? N’étais-je pas triste pour le pauvre?
26 De fait, j’attendais le bonheur, mais c’est le malheur qui est arrivé; j’espérais la lumière, mais c’est l’obscurité qui est venue.
27 »Je suis sans arrêt profondément bouleversé. Les jours de souffrance m’ont surpris.
28 Je marche noirci, mais pas par le soleil. Si je me lève en pleine assemblée, c’est pour appeler au secours.
29 Je suis devenu le frère des chacals, le compagnon des autruches.
30 Ma peau devient noire et pèle, mes os sont brûlants de fièvre.
31 Ma harpe n’est plus qu’un instrument de deuil, et ma flûte se confond avec la voix des pleureurs.
31 »J’avais fait un pacte avec mes yeux. Comment aurais-je pu porter mes regards sur une jeune fille?
2 Quelle part Dieu m’aurait-il attribuée d’en haut? Quel héritage le Tout-Puissant m’aurait-il envoyé du ciel?
3 La misère n’est-elle pas réservée à l’homme injuste et le désastre à ceux qui commettent le mal?
4 Dieu ne voit-il pas ma conduite? Ne compte-t-il pas tous mes pas?
5 »Si j’ai marché dans la fausseté, si mon pied a couru vers la tromperie,
6 que Dieu me pèse sur une balance juste et il reconnaîtra mon intégrité!
7 »Si mon pas s’est écarté du droit chemin, si mon coeur s’est laissé guider par mes yeux, si une impureté quelconque s’est attachée à mes mains,
8 qu’un autre profite de ce que j’ai semé et que mes jeunes plantes soient déracinées!
9 »Si mon coeur s’est laissé attirer par une femme, si j’ai fait le guet à la porte de mon prochain,
10 que ma femme tourne la meule pour un autre et que d’autres couchent avec elle!
11 En effet, c’est un acte scandaleux, une faute qui doit être sanctionnée,
12 c’est un feu qui dévore jusqu’au gouffre de perdition et qui aurait détruit jusqu’à la racine toute ma récolte.
13 »Si j’ai méprisé le droit de mon serviteur ou de ma servante lorsqu’ils étaient en litige avec moi,
14 que ferai-je quand Dieu se lèvera? Que répondrai-je quand il me demandera des comptes?
15 Celui qui m’a formé dans le ventre de ma mère ne les a-t-il pas formés eux aussi? N’est-ce pas le même Dieu qui nous a façonnés dans le ventre maternel?
16 »Ai-je refusé aux faibles ce qu’ils désiraient, ai-je fait languir les yeux de la veuve,
17 ai-je mangé tout seul mon morceau de pain, sans que l’orphelin n’en ait eu sa part?
18 Au contraire! Dès ma jeunesse je l’ai élevé comme un père, dès ma tendre enfance j’ai soutenu la veuve.
19 »Si j’ai vu quelqu’un mourir par manque d’habit, le pauvre manquer de couverture,
20 sans lui donner de raison de me bénir, sans qu’il ait été réchauffé par la toison de mes agneaux,
21 si j’ai levé la main contre l’orphelin parce que je me savais soutenu par les juges,
22 que mon bras se détache de mon épaule, que mon avant-bras se brise au coude!
23 De fait, je redoutais les malheurs envoyés par Dieu. Je suis incapable de quoi que ce soit face à sa majesté.
24 »Si j’ai placé ma confiance dans de l’or, si j’ai dit au métal précieux: ‘Tu es ma sécurité’,
25 si je me suis réjoui de la grandeur de ma fortune, de la quantité de mes biens,
26 si j’ai regardé la lumière du soleil quand il brillait, la lune quand elle s’avançait radieuse,
27 et si mon coeur s’est laissé attirer en secret, si je les ai adorés,
28 c’est encore une faute qui mérite d’être sanctionnée: j’aurais renié le Dieu d’en haut!
29 »Me suis-je réjoui du malheur de celui qui me détestait, ai-je sauté d’allégresse parce qu’un mal l’avait atteint?
30 Non! Je n’ai pas permis à ma bouche de pécher en demandant sa mort dans une malédiction.
31 Les occupants de ma tente disaient: ‘Peut-on trouver quelqu’un qui n’ait pas été rassasié grâce à sa viande?’
32 L’étranger ne passait pas la nuit dehors, j’ouvrais ma porte au voyageur.
33 »Ai-je, comme Adam, caché ma transgression, cherché à dissimuler ma faute
34 parce que je redoutais le qu’en-dira-t-on, parce que j’étais effrayé par le mépris des familles au point de garder le silence et de ne pas oser sortir?
35 »Si seulement quelqu’un m’écoutait! Voilà mon dernier mot. Que le Tout-Puissant me réponde! Quant à la plainte écrite par mon adversaire,
36 je la mettrai sur mon épaule, je la porterai sur mon front comme une couronne.
37 Je lui rendrai compte de ma conduite dans le détail, je m’approcherai de lui comme un prince.
38 »Si mon terrain crie contre moi et que ses sillons versent des larmes,
39 si j’ai mangé son produit sans le payer et que j’aie fait le désespoir de ses propriétaires,
40 qu’il y pousse des ronces au lieu du blé et de la mauvaise herbe au lieu de l’orge!»
Fin des paroles de Job.