Ce réformateur écossais est peu connu dans les régions francophones. Par contre, dans les pays anglo-saxons, des communautés très vivantes, aux Etats-Unis notamment, se déclarent être issues du mouvement suscité par John Knox.
Au XVIe siècle, l’Ecosse est un pays sauvage, peu peuplé, les villes y sont petites, campagnardes, le pays est peu sûr, les maisons de pierre sont rares, les marécages se développent et les forêts dépérissent. Mais l’église des grandes abbayes et des somptueuses cathédrales est riche. Elle possède la moitié des terres. Il existe trois universités dans ce petit pays, mais les curés de campagne n’en profi tent guère. Beaucoup de prêtres sont indignes, insouciants et débauchés, au milieu d’une population pauvre.
Si le père de John Knox n’est pas riche, il est suffi samment aisé pour envoyer son fi ls étudier à l’école réputée de Saint Andrews. Il n’en reçoit pas les grades mais, davantage ami des lollards que d’une hiérarchie engoncée dans les honneurs, il est tout de même ordonné prêtre à 25 ans.
Les colporteurs de la Bible, envoyés par Wycliff, parcourent les campagnes, et les idées de Luther circulent, mais ceux qui prêchent la Réforme sont arrêtés, condamnés au bûcher. Or, dans l’obscurité ambiante, la lecture de la Bible est autorisée. John Knox la découvre et est émerveillé de rencontrer dans le texte inspiré une autorité sans faille.
A la mort du roi Jacques V, époux de la très catholique Marie de Lorraine, en 1542, c’est Jacques Hamilton, duc d’Arran, qui est nommé régent. Un parti anglo-protestant se forme, la Réforme est accueillie. Pour Knox, c’est l’instant de vérité, de décision, de conversion. Il est subjugué par la personnalité de l’helléniste George Wishart, avec qui il prêche avec force et conviction. Pourtant l’embellie ne dure pas. L’Ecosse est divisée entre les partisans de l’Angleterre et ceux de la France. On assiste au revirement du duc d’Arran, Wishart meurt sur le bûcher, et les réformés sont terriblement persécutés. Beaucoup se réfugient au château de Saint Andrews, à Edimbourg, mais les troupes françaises qui ont débarqué en Ecosse les assiègent et s’emparent de la place. La garnison est emmenée en France, Knox fait partie des déportés. Dans la galère où il est enchaîné, il vit une épreuve terrifi ante, mais sa foi n’est pas ébranlée, au contraire elle est affermie. Pourtant, durant un an et demi, ses codétenus et lui sont l’objet de menaces, de violences et de fl atteries de la part de ceux qui veulent les contraindre à apostasier. Mais tous ces efforts restent vains et aucun ne renie sa foi.
Libéré en février 1549, Knox se rend en Angleterre où il est bien accueilli par le jeune roi Edouard VI. Celui-ci fait de lui son chapelain et lui propose même le titre d’évêque, qu’il refuse catégoriquement. Le culte anglican lui rappelle trop les cérémonies papales. En 1552, il épouse Marjory Bowes. Le roi meurt prématurément, ce qui force à nouveau les réformés à l’exil. Knox retourne en France, traverse le pays et se rend en Suisse, avec sa femme, sa belle-mère et un domestique. Il rencontre Bullinger, puis s’arrête à Genève pour rencontrer Calvin, avec lequel il se découvre beaucoup de points communs. Il prêche trois fois par semaine dans la communauté des Anglais, qui compte 212 membres. Il étudie l’hébreu et le grec, publie des pamphlets, dont le plus célèbre: «Le premier coup de trompette contre le gouvernement monstrueux des femmes», est désavoué par Calvin et lui cause quelque tort. Puis, tout à coup, comme s’il ressentait en lui l’appel de sa terre natale, en janvier 1559, il part pour l’Ecosse, qui semble l’attendre, car l’heure de la Réforme y a sonné.
Il introduit dans son pays la plupart des points de vue de Calvin et prêche sans relâche. L’effectif des partisans de la Réforme a augmenté, mais peu de convertis osent affi cher ouvertement le changement opéré dans leur coeur, tellement les conséquences seraient terribles pour eux. Car la très catholique Marie Stuart est arrivée au pouvoir. La plupart continuent à suivre le culte romain tout en le condamnant. Knox parvient à les convaincre de quitter l’Eglise de Rome. Cela lui vaut les foudres du clergé, devant lequel il est cité à comparaître. Le soutien des puissantes personnalités du pays lui évite une condamnation. La reine, devenue veuve très jeune, le convoque et l’accable de reproches, l’accusant de détourner ses sujets d’elle, d’avoir publié un livre contre le droit des femmes à la couronne, fomenté la révolte et entraîné les Ecossais à pratiquer un autre culte que celui de leurs pères. Knox ne se laisse pas emporter, il démontre à la souveraine que ses prédications ne sont pas aussi violentes qu’on le lui a rapporté. Il l’invite même à s’en rendre compte par elle-même en lui proposant d’assister à un de ses sermons publics. Elle cherche à le mettre dans son camp et lui demande de modérer les protestants. Il refuse.
Pour la reine, la religion c’est le rite habituel, pour Knox, qui ne sépare jamais la doctrine et la morale, c’est la vie tout entière. Après une entrevue dramatique avec lui, Marie Stuart dira à l’ambassadeur de sa cousine Elizabeth d’Angleterre que l’Ecosse est trop petite pour les contenir tous les deux, le réformateur et elle. Elle le fait comparaître pour trahison devant le Conseil privé, car il a convoqué l’Eglise à une manifestation à la suite de l’arrestation de deux protestants. Knox retourne les juges et triomphe.
La fi n de sa vie est marquée par une tendance à la retraite et une aspiration à quitter cette terre. Il désire séparer son histoire personnelle de celle de son pays. Les mariages successifs de Marie Stuart, les assassinats, les défaites et l’exil de la reine, tous les grands événements se font sans lui. Il se confi ne dans sa paroisse de Saint Giles d’Edimbourg. Pourtant, il reste étonnamment dans la vie, même quand il écrit: «Seigneur Jésus, reçois mon esprit et mets fi n, selon ton bon plaisir, à cette malheureuse existence que voici, car justice et vérité ne sont pas au milieu des fi ls des hommes.» Les derniers mois de sa vie, il ne sort que pour prêcher, on l’aide à monter en chaire. Il a encore la force de s’élever avec vigueur contre la Saint-Barthélemy, devant l’ambassadeur de France. Chaque jour, on lui lit la Parole qu’il a fi dèlement prêchée, et il s’éteint au moment même où on lui rappelle les promesses du Christ vainqueur, le 24 novembre 1572.
Le surlendemain de ses obsèques, le régent Morton prononce en une seule phrase son oraison funèbre: «Ci-gît un homme qui n’a jamais craint ni fl atté personne.» John Knox ne craignait en effet que Dieu et savait que le message, quand il s’agit de l’Ecriture sainte, importe plus que le messager. Il est considéré comme un des réformateurs les plus intrépides.
Auteur: René Neuenschwander
Paru dans Bible-Info , printemps 2007