Un grand réformateur méconnu en francophonie
Demandez à un francophone qui sont les grands réformateurs de l’Eglise, il citera Calvin, Luther, éventuellement Bèze, mais peu penseront à Zwingli. Pourtant il fut l’une des plus grandes figures de la Réforme..
C’est près de Saint-Gall qu’il voit le jour le 1er janvier 1484. Troisième enfant d’une famille terrienne qui en comptera onze, il fait rapidement de brillantes études à Bâle puis à Vienne.
Sa vie fut un continuel cheminement vers la foi chrétienne. Nommé curé à Glaris, on le retrouve aumônier des troupes glaronaises qui combattent comme mercenaires lors des guerres d’Italie. Là, il dénonce la participation à ces guerres à l’étranger qui ramènent de l’or dans les campagnes au détriment des cultures qui sont délaissées par les paysans devenus soldats. Et combien d’hommes dans la force de l’âge n’en reviennent pas. Ces prises de position lui coûtent sa place.
Il séjourne aussi à Einsiedeln où il rencontre principalement deux humanistes chrétiens, le Hollandais Erasme et surtout, en 1505, Thomas Wyttenbach. Les cours de ce dernier, notamment sur l’Epître aux Romains, orientent le jeune Zwingli sur une nouvelle voie et auront une influence décisive sur son ministère et son oeuvre. Il prend alors conscience que le prix du pardon des péchés est payé par la seule mort du Christ. C’est pour lui une véritable révélation. Il traduit la Bible en langue alémanique, une langue qui va droit au coeur des montagnards et campagnards de la région.
A Einsiedeln également, il dénonce la grossière idolâtrie dont il est le témoin. Devant des milliers de pèlerins, il s’élève contre les abus et les scandales de l’église romaine et lance de vigoureux appels à la repentance et à la foi.
Il est alors engagé à Zurich, ville de 7000 habitants. Encouragé par l’attitude de Luther, il s’attaque à l’édifice romain et ambitionne de réformer toute l’Eglise sur la base de l’Evangile. Sur ce sujet, il présente 67 thèses au cours de «disputes», débats organisés par les autorités politiques zurichoises. Son triomphe est complet.
En 1518, alors qu’il se repose dans le vieux couvent de Pfäffers, il apprend que la peste, qui ravage le pays, a atteint la ville de Zurich. Sans tarder, il retourne auprès de ses paroissiens, dont le tiers, peutêtre la moitié, passent de vie à trépas. En septembre 1519, il doit s’aliter à son tour. La mort rôde dans sa chambre. Alors il prie. Deux de ses prières sont devenues célèbres. Le Seigneur intervient et Zwingli se rétablit. Il écrit alors un chant de louange. Cette épreuve a éclairé le prédicateur qui, presque chaque jour, monte en chaire pour expliquer le Nouveau Testament sur la base des textes originaux et non de la Vulgate, comme cela était de règle. De ses origines terriennes, il a gardé un langage simple et coloré qui touche ses auditeurs. Peu à peu les mentalités changent, l’Eglise et la société aussi. L’Evangile est lu, honoré et vécu. C’est la naissance d’une cité nouvelle, d’une ville réformée dans sa foi, dans ses institutions et dans ses moeurs.
Le pape Adrien VI l’interdit de prêche et demande à Zurich de le condamner comme hérétique. Zwingli présente sa défense devant le conseil qui manifeste son accord avec lui et retire le canton de la juridiction de l’évêque de Constance.
Persuadé par Zwingli, le Conseil d’Etat abolit la messe à Zurich le 11 avril 1525, et la remplace par une liturgie dans le langage du peuple. La Réforme gagne d’autres cantons qui forment ensemble le projet d’intégrer les cantons restés catholiques, Uri, Schwyz et Unterwald entre autres. Ces trois cantons se mettent en campagne en octobre 1535 et surprennent les Zurichois qui sont défaits à Kappel. Zwingli, aumônier des troupes, est blessé sur le champ de bataille et il est exécuté.
Jusqu’à sa mort il aura eu le souci du salut de chacun de ses compatriotes avec cette interrogation au coeur: «Que dois-je faire pour que mon peuple soit sauvé?» Il a aussi réclamé la libre proclamation de l’Evangile dans tout le pays: «Et le peuple jugera», affirmait-il.
Il avait compris que l’homme est faillible, pécheur, et que le salut peut être acquis uniquement par la reconnaissance que seul le sang du Christ mort à la Croix est purificateur: «Ce ne sont pas nos vertus qui nous sauvent, c’est la pure grâce de Dieu; ce ne sont pas nos mérites qui nous assurent la vie éternelle, c’est Sa miséricorde jour après jour renouvelée». Il faut imaginer le contexte de cette époque, dominée par la toute puissance d’un clergé catholique corrompu, pour comprendre le courage qui a été nécessaire aux réformateurs pour oser braver l’hégémonie des diffuseurs d’une doctrine perverse et proclamer leur foi dans le seul Evangile.
Zwingli a fait briller la lumière évangélique peu après que la Réforme eut pris naissance en Allemagne. Par son courage et son ministère, il fut l’égal de Luther. En Suisse, son oeuvre fut poursuivie par le réformateur français Calvin.
Terminons par quelques pensées de Zwingli qui devraient nous interpeller et nous encourager encore aujourd’hui:
«Lorsque nous recevons une lettre d’un ami très cher, nous la portons toujours sur nous et nous la montrons à tout le monde. Pourquoi n’agirions- nous pas ainsi avec l’Ecriture sainte? Elle nous vient du Père céleste qui nous l’a envoyée du ciel par Son Fils».
«Ainsi donc, vous, chrétiens pieux, retournez à la Parole – à la Parole. Elle rend sage pour accéder à la félicité et enseigne tout ce qui est bon.»
«Si le pasteur n’a plus le droit de dire la vérité dans l’église, qu’on engage un ménestrel avec fifre et luth, car voilà ce que tout le monde aime et qui ne scandalise personne»
«Etre chrétien, ce n’est pas papoter à propos du Christ, c’est vivre comme lui a vécu.»
«Voici notre règle, à nous, chrétiens: il vaut mieux être mis à mort que de nous écarter de la vérité ou de la passer sous silence après l’avoir reconnue.»
Auteur: René Neuenschwander
Paru dans Bible-Info , été 2004