Je m’appelle Beth Pham-Ngoc, mais mes amis français m’appellent Elisabeth. Je suis née aux États-Unis, dans une famille chrétienne très engagée pour le Seigneur.
Tout le monde dans mon entourage connaissait Dieu et certains avaient consacré leur vie à son service. Mes arrière-grands-parents paternels, par exemple, étaient militants dans l’Armée du Salut. Mes grand parents maternels étaient missionnaires en Chine et c’est là que ma mère est née. Peu de temps après ma naissance, mes parents ont décidé de devenir missionnaires eux aussi et ont senti que le Seigneur les appelait à s’installer en France.
Au moment de ma conversion, mon père travaillait comme assistant du pasteur dans une assez grande église à Indianapolis et préparait notre départ pour la France. Le pasteur avait décidé d’organiser une semaine d’évangélisation avec une réunion par soir dans le but de prêcher l’évangile à tous les inconvertis que les membres de l’église inviteraient. Mon père devait apporter son aide et ma mère rendait service également en s’occupant de la garderie, au cas où quelqu’un viendrait avec un jeune enfant. En fait, personne n’a eu l’idée de venir à l’église un soir de semaine avec un petit enfant. Personne à part mes parents, évidemment. Mon petit frère de deux ans et moi-même, qui n’en avais que six, devions être présents puisqu’il n’y avait personne pour nous garder à la maison.
Au début, je n’ai pas trouvé cela si désagréable. Après tout, je connaissais l’église comme ma poche, on pouvait trouver des jouets à la garderie et j’avais ma maman pour moi toute seule dans la mesure où mon petit frère s’endormait. Bien sûr, les réunions duraient longtemps, je m’ennuyais un peu, mais je n’étais pas obligée d’y assister avec les adultes. Ma mère me trouvait des occupations à la garderie et la semaine s’écoula ainsi, jusqu’au moment où mes parents déclarèrent que le vendredi soir je devais assister à la réunion avec les grands.
En effet, il n’y avait pas école le samedi matin. Le pasteur avait donc décidé que les enfants pouvaient venir le vendredi soir et que ce serait une soirée d’évangélisation spécialement prévue pour eux, avec une prédication à leur portée. Je n’ai pas accueilli cette nouvelle avec beaucoup d’enthousiasme. Je voyais ce genre de réunion comme d’interminables palabres auxquels je ne comprenais rien, pendant lesquels je devais rester sagement assise, à m’ennuyer en silence. Je me suis dit que je m’installerais au fond, au bout d’un banc et que je filerais en douce dès que les adultes ne feraient plus attention à moi. Ce que j’ignorais, c’est que lorsque le Seigneur veut agir dans votre vie, il est impossible de lui échapper. Lorsque Jonas a tenté de fuir, Dieu a déchaîné les éléments, créé une tempête et trouvé une baleine accommodante pour le remettre dans le droit chemin. Ce n’était donc pas les petites ruses d’une gamine de six ans qui allaient l’empêcher d’atteindre mon cœur.
Le pasteur avait eu l’idée d’organiser un concours pour les membres de l’église: ceux qui parviendraient à remplir un banc entier de l’église avec des invités inconvertis gagneraient une belle Bible. Je ne sais pas pourquoi mon oncle et ma tante voulaient cette Bible. Ils en avaient déjà. Toujours est-il qu’ils ont réussi à inviter pas mal de monde ce vendredi soir là. Leur banc était presque plein. Devinez qui a dû faire le bouche-trou pour qu’ils puissent gagner la récompense? Et je n’ai pas eu le droit de m’asseoir au bout du banc pour filer discrètement à la fin du premier cantique. Ma tante me réserva la place juste à côté d’elle.
C’est ainsi que je me suis retrouvée coincée, obligée d’écouter le prédicateur parler d’un sujet que je connaissais déjà. J’avais entendu le plan du salut à maintes reprises. Je savais que je faisais parfois des choses qui déplaisaient à Dieu, qu’on appelait ça des péchés et qu’il était fâché avec moi à cause de cela. Je savais que je méritais une punition et je n’ignorais pas quelle était la punition en question: « Le salaire du péché, c’est la mort » (Romains 6:23 ). J’avais aussi compris que Dieu avait prévu une solution merveilleuse pour m’éviter cette affreuse sanction: son propre fils, Jésus, avait subi la punition à ma place en mourant sur la croix. Il avait payé le prix nécessaire pour que Dieu pardonne mes péchés et pour que je puisse être réconciliée avec lui. Il me suffisait de placer ma confiance en lui, de me repentir et de confesser mes péchés. Je savais que Dieu m’aimait et qu’il voulait que je vienne à lui pour obtenir son pardon. Je connaissais Jean 3:16 par cœur: « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. »
Mais je ne savais pas tout. Je n’avais que six ans. J’ignorais ce qu’était l’enfer. Je grandissais entourée de gens qui m’aimaient et prenaient soin de moi. L’idée que quelqu’un puisse me vouloir du mal ne me traversait pas l’esprit. Ce soir là, le pasteur a parlé de Satan et de l’enfer. Il a expliqué ce qui m’attendait si je ne me tournais pas vers Dieu. Il a décrit l’enfer comme un lac de feu, de souffrances inimaginables, un lieu pire que le plus horrible de mes cauchemars et il nous a dit qu’on n’en sortirait jamais. Ce pasteur n’inventait rien, il nous rappelait simplement ce que dit la Parole de Dieu à ce sujet.
Un autre point que je n’avais pas compris à cet âge: on peut mourir jeune. Pour moi, la mort était un concept assez flou, qui ne me concernait pas. La mort ne pouvait toucher, selon l’idée que je m’en faisais, que les personnes très, très âgées. Le prédicateur a expliqué que personne ne connaissait la date de sa mort, qu’on pouvait même mourir d’un accident de voiture en rentrant chez soi ce soir-là. Alors, j’ai réalisé que j’étais en danger. Je n’avais pas réglé les choses avec Dieu, j’avais fait du mal à différentes reprises, je méritais une punition et cette punition pouvait tomber à tout moment.
L’anecdote un peu loufoque qui clôt l’histoire de ma conversion prouve que j’avais compris l’urgence de la situation. Lorsque Dieu veut vous parler, vous ne pouvez pas fuir, et lorsque sa Parole touche votre cœur, elle ne vous laisse jamais insensible. Vous devez réagir. Faute de quoi, vous vous sentez mal, son enseignement vous trotte dans la tête et vous n’êtes pas en paix. Ce soir là, je savais que je devais absolument faire quelque chose, mettre les choses au clair avec Dieu en lui confessant mes péchés.
Le prédicateur nous a demandé de nous lever et de fermer les yeux pendant la prière. Il a prié pour nous et a proposé à ceux qui voulaient se réconcilier avec Dieu de s’avancer. Je tenais absolument à le faire pour être en paix avec Dieu, mais comment? J’étais coincée entre plusieurs adultes, debout, les yeux fermés, ne faisant pas attention à moi. Je ne pouvais pas les déranger, les bousculer pour atteindre l’allée centrale. Ils avaient tous l’air de prier, je ne voulais pas les gêner. Alors je suis montée sur le banc et j’ai rampé à quatre pattes, passant par dessus les Bibles et les sacs à main, croyant être discrète. Je pense que les invités devaient se demander ce que je fabriquais! Mais dans ma tête, il n’y avait qu’une idée: « Je ne veux plus que Dieu soit fâché avec moi, j’ai commis des péchés et j’ai besoin de son pardon. Je dois régler ça immédiatement! » J’ai fini par arriver au bout du banc, et je me suis dirigée vers l’avant de la salle. Là, l’épouse du pasteur m’a prise à part, nous avons discuté et elle m’a posé des questions pour s’assurer que j’avais bien compris. Ensuite, j’ai prié avec elle. Depuis ce jour là j’ai la certitude que quoi qu’il m’arrive, où que j’aille, quoi que je fasse, rien ne peut me séparer de l’amour de Dieu (Romains 8:28-29 ). C’est le dernier point que j’ai compris ce soir là: lorsqu’on se réconcilie avec Dieu, c’est pour toujours. On ne peut pas perdre son salut.