Record | La Bible à 1,5 euro a dépassé un million de ventes !
Vous avez sans doute déjà vu la Bible « pour le prix d’un café » au supermarché ou à la librairie. Sachez que c’est une nouvelle traduction de qualité – la Segond 21 - et qu’elle connaît un succès fou : en avril 2009, dix-sept mois après sa parution, le million d’exemplaires vendus dans le monde francophone a été dépassé ! Pour comprendre les raisons de ce succès, lisez notre interview de Jean-Pierre Bezin, directeur de la Société biblique de Genève, qui a conduit ce grand projet. Consultez aussi « notre avis d’utilisateur ».
Jean-Pierre Bezin, vous êtes directeur de la Société biblique de Genève. Vous avez dépassé le million d'exemplaires vendus. Comment expliquer ce succès ?
C'est une surprise complète. Au départ, nous hésitions entre 100 000 et 200 000 exemplaires imprimés. Il faut donc essayer d'analyser ce succès a posteriori. Je crois qu'il y a un effet de seuil sur le prix. Nous avions déjà une Bible en vente à 2,5 euros. Elle n'a pas connu la même envolée. Autre facteur possible : grâce à Salvator, maison d'édition catholique qui est notre distributeur, nous avons eu accès aux supermarchés, ce qui a par ailleurs suscité un certain intérêt des médias. Je pense aussi que la qualité du texte joue positivement. Je vous rappelle qu'il s'agit de notre dernière traduction et non d'un texte dans le domaine public qu'on aurait cherché à publier parce qu'il n'est pas cher.
Pour les personnes qui achètent une Bible à ce prix-là, la qualité de la traduction est-elle vraiment un critère ?
Je pense que oui. L'écho positif que cette Bible a eu dans la presse est dû notamment à la qualité du texte. Les observateurs ont bien compris que nous n'avons pas opté pour une solution de facilité.
Où cette Bible se vend-elle le mieux ?
Surtout dans les libraires religieuses. Beaucoup d'Eglises l'utilisent et elles passent commande auprès des librairies.
Y a-t-il un acheteur type ?
Beaucoup de chrétiens l'achètent en pensant qu'ils peuvent l'utiliser avec moins de précaution qu'une autre Bible plus chère. De même, cette Bible se donne très facilement. Nous avons aussi beaucoup de témoignages de personnes qui vivent dans le dénuement matériel et qui peuvent maintenant s'acheter une Bible. Avant, c'était trop cher. C'est notamment le cas en Afrique. En France, beaucoup de personnes qui n'avaient nullement l'intention d'acheter une Bible le font en la voyant dans un supermarché ou dans une vitrine. Un témoignage est récurrent : tous les libraires religieux qui la mettent en vitrine voient entrer des gens qui ne viendraient pas normalement. Notre souhait est que les gens qui n'avaient pas l'habitude d'ouvrir la Bible l'ouvrent maintenant.
Les Français lisent-ils moins la Bible que les Européens du Nord ?
Disons qu’il y a plus de Bibles par foyer en Europe du Nord qu’en France. Mais la Bible en général est un livre peu ouvert. Notre souhait est que la Segond 21 soit ouverte et lue. Les premières pages de notre Bible présentent un petit guide pour que les lecteurs puissent s’y retrouver. Chaque livre est introduit par un texte explicatif. Il y a des notes et des cartes.
Cette Bible est la Segond 21. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Segond, parce que c'est une traduction dans la ligne de Louis Segond (1). Nous avons respecté la structure. « 21 », c'est en référence à notre siècle. Nous voulions utiliser un vocabulaire compréhensible par les jeunes de notre siècle, tout en restant aussi près que possible des textes originaux hébreux et grecs.
Quelles sont les caractéristiques par rapport à d'autres Bibles ?
Pour simplifier, il y a deux types de traductions : celle qui est littérale, donc proche de la structure du texte original ; puis celle, dynamique, qui s'affranchit de cette structure pour bien transmettre le sens qu’elle suppose voulu par l'écrivain original. Les traductions de la fin du 20ème siècle, dont la Semeur, avaient souvent pour but la compréhension de la Parole au prix d'un certain éloignement de la structure des textes originaux.
Avec la Segond 21, nous avons voulu relever un défi : avoir une grande compréhension du vocabulaire utilisé tout en restant proche des originaux. C'est donc une Bible assez littérale, mais avec un langage du 21ème siècle. Ce type de Bible n'existait pas sur le marché auparavant.
Vaut-il mieux avoir une traduction littérale ?
Tout dépend des besoins de chacun. Dans une version dynamique, la traduction doit donner un sens clair de la pensée biblique du verset. Et ceci dans le cadre d’une certaine compréhension du traducteur. La traduction littérale, qui reste très proche du texte, est plus ouverte dans la compréhension et elle peut parfois être moins claire. Elle explicitera moins le sens que le traducteur a compris. C’est une utilisation d’un vocabulaire clair qui n'enferme pas le sens.
Combien de temps avez-vous mis pour élaborer cette traduction ?
Nos équipes ont travaillé pendant 12 ans. Elles ont donc pu intégrer les dernières découvertes historiques et/ou linguistiques qui permettent de mieux comprendre le sens des originaux.
C’est une Bible protestante, mais vous êtes distribués par Salvator, un éditeur catholique. Faut-il en être surpris ?
Ce n’est certainement pas un problème, en tout cas. Rappelons que les premières Bibles protestantes ressemblaient aux Bibles catholiques. Ces dernières intègrent depuis toujours certains livres apocryphes dans l'Ancien Testament. Ce sont des textes dits deutérocanoniques, qui ont été écrits plus tard que les textes de l'Ancien Testament et qui ne font pas partie de la bible hébraïque. Ces livres ne font pas partie du canon protestant (2). Or, le message de l'Evangile est le même que l'on soit catholique ou protestant convaincu. Le canon du Nouveau Testament est rigoureusement le même.
Vous avez fait une traduction italienne. Combien comptez-vous en vendre d’exemplaires ?
Nous avons envoyé 500 000 exemplaires à 1,5 euros en Italie. Nous aurons peut-être un succès plus grand encore qu’en France. Nous avons aussi un embryon de projet en allemand et un autre en espagnol. L’idée est de rendre cette Bible disponible à ce prix-là dans toute l’Europe.
Mais pas en anglais ?
Non, il y a déjà des éditions outre-Atlantique à bas prix.
Arrivez-vous à dégager des bénéfices avec cette Bible ?
Non, et ce n’est pas le but. Mais nous équilibrons nos comptes. Ainsi, l'opération est pérenne.
Quelles sont les caractéristiques de la Société biblique de Genève ?
Elle est basée en Suisse. Un Ecossais l’a fondée juste avant la Seconde Guerre mondiale. Elle a pris tout son sens pendant cette guerre, puisque l’approvisionnement était stoppé en France. La Société s’est mise à imprimer des Bibles en français en Suisse pour pouvoir les distribuer en France. On imprimait alors la Segond 1910. Notre vocation est de rendre la Bible disponible et de donner envie de la lire, pas de faire du prosélytisme.
Vous avez eu droit à quelques critiques. Certains responsables d’autres maisons d’édition ont dit que votre Société cassait le marché. Que retenez-vous de cette critique ?
Une partie de la critique fait partie du jeu de la communication des médias. Les médias aiment opposer deux points de vue différents d'une façon artificielle. Or ce n’est pas grave. Cela permet aux lecteurs de découvrir qu’il y a une diversité dans le domaine de la traduction biblique.
Puis, il y a une vraie question : ce grand déploiement de nouvelles Bibles ne va-t-il pas assécher le marché de la Bible ? En règle générale, les éditeurs de la Bible ne sont pas riches. Ils ont besoin d’éditer de belles Bibles, car se sont elles qui permettent de dégager des bénéfices. Plusieurs éditeurs m’ont confirmé que le marché des belles Bibles de 15 à 25 euros n’a pas bougé. C'est vrai aussi pour les Bibles que nous éditons nous-mêmes à ce prix-là. En conclusion, on ne peut pas dire que notre Bible casse le marché.
Recueilli en avril 2009 par Henrik Lindell
Cette interview a été relue avant publication par Jean-Pierre Bezin.
1. Jacques-Jean-Louis Segond (1810-1885), théologien suisse, a traduit la Bible en français à partir des textes originaux hébreux et grecs à la demande de la Compagnie des Pasteurs de Genève. Les versions ultérieures issues de la première Segond, celle de 1910 et de 1978 notamment, sont particulièrement utilisées et appréciées par les protestants francophones.
2. L'Ancien Testament dans la Bible catholique contient les livres deutérocanoniques de Judith, Tobie, Baruch (ou Lettre de Jérémie), des Macchabées (1 et 2), de la Sagesse et Siracide. Il contient aussi certains passages grecs du livre d'Esther et de Daniel. Ces livres et ces passages ne figurent généralement pas dans une Bible protestante (sauf parfois dans l'annexe).
Pour consulter en ligne cette Bible, rendez-vous sur un excellent site lié à la Société biblique de Genève : L'univers de la Bible.
Notre avis
Disons-le d'emblée. La parution de cette Bible fin 2007 a fait l'objet d'une petite polémique provoquée essentiellement par des responsables de certaines maisons d’édition de Bibles. Cette polémique a été exploitée par des médias, y compris protestants. Nous avons entendu que la Segond 21 ne serait pas forcément fiable et qu’elle aurait été faite dans un but de "prosélytisme évangélique", entre autres. Ce discours est infondé et regrettable.
Nous vous recommandons vivement de lire cette Bible Segond 21. Tant pour la traduction que pour la présentation générale au début, les introductions aux 66 livres et les notes. Le contenu est tout simplement excellent. La Société biblique de Genève dit avoir produit une traduction « assez littérale », mais avec un vocabulaire relativement compréhensible. Nous n’avons pas été gênés par des versets qui seraient devenus moins faciles à comprendre que d’habitude (par rapport aux Bibles NBS, Semeur, TOB et Bible de Jérusalem). Au contraire. Le célèbre Psaume 23, par exemple, a un vocabulaire plus facile à comprendre que les autres versions des Bibles Segond.
La forme souple et le prix exceptionnel de cette Bible en font un objet facile à manier. On peut l’utiliser tous les jours à peu près n'importe où sans avoir à craindre qu’elle s’abîme. Car si elle devenait inutilisable, on achèterait une autre. Voici une Bible faite pour être lue et utilisée, un point c’est tout. Malgré le papier recyclé, la lecture est agréable. Côté couverture, elle ne jure pas dans votre bibliothèque, même si le but n'est pas d'en faire un objet décoratif. Autre avantage considérable : on peut facilement donner cette Bible.
Alors, nous l’utilisons souvent et nous la donnons souvent à nos amis qui ne connaissent pas encore le Christ.
Mais avec cette nouvelle traduction, n’y a-t-il pas un risque que l’utilisateur habitué à d’autres versions de la Bible se sente un peu perdu ? Beaucoup moins que pour n’importe quelle autre nouvelle traduction parue ces vingt dernières années.
Les protestants reconnaissent tout de suite leur Segond, les notes en prime ! Les catholiques ne perdent rien (sauf les livres deutérocanoniques bien sûr) par rapport à la difficile TOB ou même par rapport à la très belle et poétique Bible de Jérusalem. D’ailleurs, le distributeur de cette Bible, l'excellent éditeur Salvator, est catholique et on peut penser qu’il sait ce qu’il fait.
Pour conclure, cette Bible à 1,5 euro est une bonne nouvelle à plus d’un titre pour tous les chrétiens et pour tous ceux qui s'intéressent au christianisme.
HL
Source: www.dieu-et-moi.com mise en ligne le 24 avril 2009
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